Vers Compostelle avec un âne
(de Huntto à Santiago)
18 mai : Huntto – Roncevaux : 21 km
Allez, debout de bonne heure, aujourd’hui, c’est l’Espagne. Journée très belle, avec un super temps, et pas mal de monde. On n’y est pas habitué ! Pour ceux qui démarrent juste de Saint-Jean-Pied-de-Port, la première étape est costaud ! Pour nous qui avons déjà près de 800 km dans les jambes, nous pouvons nous permettre d’admirer à fond le paysage, car côté muscles, tout fonctionne. (sous anti inflammatoire pour moi !!). Nestor fait la star, beaucoup de gens le découvrent aujourd’hui !!! En fin de journée, la descente dans la forêt est tout simplement magique (mais très raide !). Quelle beauté ! Par un temps comme ça, c’est criminel de passer par la route… ! A Roncevaux, gros choc : La queue pour les places, la queue pour tamponner la crédenciale. Quelle horreur !!! Je n’arriverai pas à savoir où puis je mettre la « tienda » et le « burro ». Donc nous bivouaquons sans rien demander à personne le long du rio, près du parking. Beaucoup de pèlerins nous rendrons visite, dont un italien qui me demande de lui dire en le regardant droit dans les yeux, si j’ai fait tout ce trajet sans jamais monter sur Nestor !!! Juré ! Craché !!

19 mai : Roncevaux – Larrasoana : 27 km
Beaucoup de monde sur le Camino aujourd’hui.. Nestor a horreur des vtt qui arrivent derrière lui en faisant juste un peu de bruit !!!
Arrivés à Larrasoana (ma tendinite me fait souffrir), nous faisons connaissance avec le fameux Santiago, qui se démène sans compter pour caser la horde de pérégrinos qui lui arrive dessus. Nous irons camper à côté du gîte, au bord de la rivière. Il y a de l’herbe pour Nestor, et des nouilles lyophilisées pour Maud et moi !! Je me casse la binette en allant chercher de l’eau pour Nestor : résultat, tendinite à gauche et œuf sur le tibia droit !!!

20 mai : Larrasoana – Pampelune – Cizur Menor – Zariquiegui : 25 km
Première grosse traversée de ville. Les espagnols de Pampelune sont très sympas, beaucoup m’arrêtent pour me demander d’où je viens. La traversée est galère, les trottoirs sont recouverts d’un espèce de marbre super glissant, ce qui force Nestor a marcher à tout petit pas. Cela n’en finit pas. Le parc à la sortie est très beau, mais nous ne nous y arrêtons pas. La tendinite ne se calme pas. Le gîte à Cizur Menor est plein, du coup, nous choisissons de continuer.. Les 3 derniers km sont… duros ! Maud part en éclaireuse voir si elle peut négocier un endroit pour bivouaquer.. Je me traîne littéralement, et pour la première fois, je doute.. Je ne vais jamais y arriver comme ça, il faut que je me soigne. Finalement, on bivouaque derrière l’église d’un tout petit village, Zariquiegui. Nestor est attaché dans l’aire de jeux des enfants. Il y a une fontaine. La nuit sera bonne, je suis épuisée par le mal, et à 7 heures du soir, je dors !  J’ai un coup au moral.

21 mai : Zariquiegui – Puente la Reina : 13 km
La montée sur la crête est très belle, les éoliennes se découpent dans le ciel bleu.. Les statues de fer forgées captent l’attention de Nestor. La descente sur Uterga se fait à deux à l’heure. Je n’avance plus. Puente la Reina : nous dormons dans le premier refuge à l’entrée de la ville. Nestor est attaché près de la rivière, sous les peupliers.  J’ai un super coup de blues.. Je dois absolument prendre un jour de repos, c’est à dire laisser tous ces pèlerins repartir. Nathalie me laissera un petit mot sur le tableau le lendemain. « C’est ton chemin, marie, et si nous devons nous revoir, nous nous reverrons. Accepte cette épreuve comme faisans partie de ton Camino ».

22 mai : journée repos
Au programme : glace sur le tibia , boire énormément d’eau, aller voir le « centro de salud », faire réparer les sacoches, écrire le courrier, faire une grosse lessive, se reposer.. et rassurer Nestor qui pleure de ne pas partir !

23 mai : Puente la Reina – Estella – Monastère d’Irrache : 23 km
Canicule aujourd’hui. Les anti inflammatoire font effet jusqu’à midi. Nous faisons une grande pause au bord de la rivière à Estella, ou il y a encore la queue devant le refuge. PH nous propose de venir camper avec nous. Nous optons pour aller au monastère d’Irrache, à la fameuse fuente de vino ! Nous bivouaquerons finalement au pied du monastère, après avoir bien goûté le vino tinto d’Irrache. Nestor a de l’herbe. C’est notre première nuit à la belle étoile. Et quelles étoiles, c’est superbe !

24 mai : Irrache – Los Arcos : 18 km
Des 6 heures, nous voyons les premiers pérégrinos passer. Petite étape aujourd’hui, il faut absolument réparer cette jambe. Je bois des litres d’eau, c’est bien, le problème, c’est qu’il faut éliminer toutes les dix minutes. C’est un peu galère !!! Nous faisons la connaissance d’Antonio et Enrique, 2 cavaliers espagnols avec qui nous allons de suite sympathiser. Forcément, entre gens de chevaux ! Alan Daluz et Luna, les chevaux, font connaissance avec Nestor, le "nâne".
Le refuge de Los Arcos nous renvoie sans autre forme de jugement dans une chambre d’hôtes, qui peut héberger » caballos y burro ». Mais la nuit y est beaucoup plus chère pour nous ! PH nous suit. Nous sommes 6 dans une chambre minuscule, sans coin cuisine.. Nestor est attaché dans un terrain vague, à côté de l’ <<écurie>> des chevaux. En fait, c’est un hangar squatté, sale à faire peur.. J’y ai d’abord mis Nestor à coté des chevaux, avant de le libérer quand j’ai vu qu’il n’allait pas pleuvoir.. Je préfère qu’il soit à l’herbe. Antonio négocie l’achat d’orge, et me fait cadeau de 2 kg pour Nestor. Magie des rencontres du Camino.

25 mai : Los Arcos – Ermita de Santa Maria de Cuevas : 22 km
Allez, on se fixe encore une petite étape alors qu’on a envie d’avancer pour atteindre Santiago. On se sent un peu perdu en Espagne, dans l’attente de « quelque chose ». Est-ce le fait de ne sentir diminuée physiquement ? Le moral n’est pas au beau fixe... Le petit ermita se trouve au milieu des champs. Nous sommes dimanche, et il y a pleins de famille espagnoles qui viennent pour déjeuner... Nous échouons avec PH et Maud, tels des romanichels, sous le porche de l’ermita. Les affaires s’étalent, et nous ferons la sieste, au milieu de tous ces gens qui mangent et parlent fort !!! Pas d’échanges entre eux et nous, et pourtant, nous nous verrons offrir un café, un gâteau... Le soir, une autre famille nous invitera à partager leur grillade, champagne, gâteau... Nous passerons une soirée très sympa ! Ils nous mettront en garde contre les squatters, qui viennent en fin de semaine (bivouac à éviter le vendredi soir et le samedi soir). Nous irons dormir à quelques mètres de l’ermita, à la belle étoile, aux cotés de Nestor, qui a bien de quoi brouter…

26 mai : Santa Maria – Logrono- Ventosa : 22 km
Les étapes continuent, monotones, pas très belles en paysage. Les journées sont chaudes. La traversée de Logrono est hyper désagréable. Je me fais rabrouer par les piétons si je suis sur les trottoirs, rabrouer par les voitures, bus et camions si je suis sur la route. Galère ! Nestor reste imperturbable heureusement, car plus d’une fois un camion lui frôlera les oreilles…Nous décidons d’aller au petit gîte de Ventosa, Daniel et Odile nous ayant appelé et dit qu’il était très sympa. C’est hors gr, à 1,5 km… Et nous ne serons pas déçu !!! L’accueil des hospitalero est super sympa. Nestor est attaché près de l’église, ou il jouit d’une vue imprenable. Il y a une fontaine à coté. Nous nous offrons une nuit dans ce petit gîte de 16 places. Il y a un feu dans la cheminée, Rodrigue, un brésilien, joue et chante de la guitare. Soirée chaleureuse et douche chaude !

27 mai : Ventosa – Najera – Ciruena : 23 km
Le chemin poussiéreux à perte de vue, les villages pauvres… La tendinite va un peu mieux, toujours avec les médicaments et beaucoup d’eau. L’arrêt se fera à la petite chapelle de Ciruena, à l’écart du village, car nous n’avons rien trouvé d’autre... Il y a un grand arbre qui nous fait de l’ombre, Nestor a de quoi manger, nous avons fait le plein d’eau au village d’avant.. Tout est paisible. Une ou deux familles espagnoles viendront nous voir et discuter gentiment de notre voyage. La chapelle est ouverte, fraîche et parfaite pour accueillir nos affaires Nous dormirons sous notre grand arbre à la belle étoile. Enrique et Antonio sur leur chevaux s’arrêtent nous dire bonjour avant de continuer leur route.

28 mai : Ciruena – Santo Domingo de la Cazalda – Redecilla del Camino : 17 km
Même ruban blanc qui s’étale devant nous... Nous ne voyons pas beaucoup de pèlerins et cela commence à nous peser, à Maud et moi. Nous nous arrêtons au bord d’un rio, à l’écart du village de Redecilla, où nous avons fait le plein d’eau. C’est l’anniversaire de Maud, nous lui offrons un bouquet de fleurs des champs, une bière et une bouteille de vin. Je fais des pâtes aux oignons et gruyère, le luxe quoi ! Nestor se gave de blé pas mûr !!! Nuit à la belle étoile avec quelques moustiques !

29 mai : Redecilla – San juan de Ortega : 36 kmCa va mieux côté tendinite, et je veux aller au monastère ce soir. J’ai besoin de voir des pèlerins, et Maud aussi. Nous partons tôt et marchons beaucoup avant de nous arrêter faire la pause à 13 heures. Il fait très chaud, la piste dans la forêt sera interminable… L’arrivée à San Juan, à 18h30 sera rigolote : il y a plein de monde installé sur les tables, et les exclamations fusent « voilà Nestor », « bravo », certains pèlerins nous applaudissent !!! Nous retrouvons avec bonheur Claire et Charlotte, apercevons Rodrigue et attachons Nestor à côté de ses deux potes chevaux ! Nous dormirons à la belle étoile avec Nestor et les chevaux, après avoir pris une douche froide, très très froide !!! La soupe à l’ail est délicieuse…

30 mai : San Juan de Ortega – Villafria de Burgos : 22 km
Maud a très mal ce matin. Aïe, ne serait ce pas un début de tendinite ? Je l’oblige à boire plus, mais il est évident qu’il faut s’arrêter. Nous échouons à Villafria, banlieue de Burgos, A EVITER !!! Il faut absolument suivre l’autre balisage et tourner à gauche devant la caserne désaffectée, avant Villafria. Bref, nous nous retrouvons coincés là, le camping refusant d’héberger Nestor. Nous sommes dans une sorte de parc en friche, avec une famille de gitans installée pas loin. Le soir, à la belle étoile, nous nous prendrons un orage sur la tête, heureusement pas trop long ! Maud et moi tenons la bâche au dessus de nos têtes ! A minuit, les gitans viennent nous voir et nous proposer de dormir avec eux à l’abri, sympa. Je refuse car avec Nestor et les affaires, c’est galère à tout déménager…

31 mai : Villafria – Burgos – Rabe de las Cazaldas : 18 kmJe pars seule à 6 heures du matin. Nous avons décidé que Maud et PH prendraient le bus et me rejoindraient à l’étape. Il faut absolument que Maud enraye son début de tendinite, PH veut visiter Burgos, et moi, avec Nestor, je veux vite traverser pour fuir la ville !!! Je suis heureuse de marcher seule, avec Nestor.
A 8 heures, je suis devant la cathédrale de Burgos, impressionnante. A 9 heures, je sors du parc abritant le grand refugio. J’ai rencontré Roland et son âne Igor, qui étaient partis de Huntto un jour avant moi. Ca va, Nestor n’a pas fait de difficulté pour repartir... Il devient vraiment parfait, ce petit ! J’arrive à Rabé de las Cazaldas à 14 heures. Je m’installe à la salle de sport municipal, après avoir demandé l’autorisation. Il y a une fontaine, des arbres et de l’herbe. C’est à coup de grande bassine d’eau que je vais me laver, il fait une chaleur ! Le village est calme. Je retrouve Maud à 16 h, devant le petit refuge où elle m’attendait. Du coup, nous entrons dans le refuge, petit et chaleureux. Manuel, l’hospitalero, nous indique qu’on peut venir manger ici sans problème. C’est ce que nous ferons. Nous dormirons donc à la belle étoile. La soirée autour de la table de Manuel est super. Nous l’avons aidé à faire à manger, on ne peut rien lui refuser. 

1er  juin : Rabe – Hornillo del Camino – Castrojeriz : 28 km Le lendemain, Manuel me propose de lui faire une heure de ménage contre paiement. Nous le ferons avec Maud, gratis bien sûr !  Nous partons donc à 9 heures ! Nestor se demande pourquoi il est bâté depuis 6 heures du matin !!! Je me sens bien Maud aussi. Nous allons dévorer ces 28 km. Normalement, j’aime partir tôt. La lumière est belle, il fait frais. Mais bon, difficile de résister au sourire malicieux de Manuel ! Nous bivouaquerons devant la collégiale de Castrojériz. Il y a une source, très claire et très froide. Nous trempons nos jambes, c’est bon pour les tendinites ! Nous irons manger un bocadillo au bar, juste à coté. La nuit sera calme, Nestor juste à coté de nos duvets. On dort quasi dans ses pieds ! Je retrouve le moral, la tendinite est finie, je vais arrêter les médicaments. Moi qui n’en prends jamais…

2 juin : Castrojeriz –Fromista – Poblacion del Campo : 28 km
Rude petite grimpette de bonne heure ce matin pour monter sur la meseta. Il fait frais. Nous faisons connaissance avec le paysage que nous allons voir pendant quelques jours : des champs de blé à perte de vue, des coquelicots magnifiques, une immensité…, et au milieu, le Camino ou cheminent des pèlerins. A Fromista, nous décidons de continuer jusqu’au pueblo suivant, 4 km le long de la route, rien de réjouissant. Poblacion, petit refuge municipal avec un jardin !!! Le pied pour Nestor…

3 juin : Poblacion – Carrion de los Condes – Cazaldilla de la Cueza : 34 km
Ayant appris par Béa hier soir que Nathalie était à 8 km devant, nous devinons qu’elle sera à Cazaldilla ce soir. Il faut qu’on la retrouve ! Partis de bonne heure avec Maud et Nestor, nous faisons les 18 km jusqu’à Carrion en un temps record : 3h30. Nestor est un vrai marathonien ! Nous repartons sur un rythme plus tranquille. L’étape sera interminable. La fin de l’étape est dure mentalement. A l’arrivée, bonheur énorme : Nathalie est là ! Elle se réveille de sa sieste et me saute au cou en me disant « je savais qu’on se reverrait ! ». C’est fou sur ce Camino : on a l’impression de se connaître depuis des années tellement c’est intense !!! Nestor est attaché derrière le gîte. Maud et moi dormons à la belle étoile, près de la machine à coca !

4 juin : Cazaldilla – Sahagun – Cazalda del Coto : 29 km
Départ de bonne heure. Nous savons que la journée va être comme celle d’hier : droite, avec des bancs et un arbre tous les 9 mètres. Nous voulons sortir de ces étapes, mais tout va bien. Mansillas : Tout est plein, full, lleno ! Nous nous rabattons sur une chambre d’hôtel. Maud et moi. La dame se démène pour trouver une solution pour Nestor. Il y a des risques de vols ici pour les beaux burros comme Nestor. Nestor à faim, il ne tient plus en place. C’est alors qu’apparaît Thibaud, pieds nus, cavalier français. Il campe au bord du rio et me propose de me garder Nestor pour la nuit. Je ne sais pas pourquoi je me suis précipité sur cette chambre, la fatigue ou autre chose…  Résultat, je ne vais pas dormir avec Nestor, mais je fais confiance à Thibaud. Sa jument est ravie d’avoir un copain, Nestor sera en sécurité.

5 juin : Mansillas – Leon – La virgen del camino : 27 km
Journée pas géniale en perspective avec la traversée de Leon. Je vais chercher Nestor à la rivière à 5h30. Je remercie Thibaud que je ne reverrais plus. J’ai une véritable escorte pour traverser Leon. Chacun se met autour de Nestor, et gare à la voiture qui passe trop près ! Il y a beaucoup de monde, il fait très chaud et c’est très mal fléché. Je stresse plus que mon âne. La sortie de Leon débouche sur une banlieue interminable...
  Je me sens prête à craquer, Nestor n’a rien mangé depuis 4 heures de temps, j’en ai marre ! Il doit faire 40 degré à l’ombre ! La ville, la ville, les camions, mais quand va t-on s’en sortir ? Nous nous arrêtons prendre de l’eau dans une station service. On trouvera finalement un parc municipal avec fontaine à la Virgen del Camino où nous serons tranquille. Nous partageons matelas et couverture, les nouilles et le café avec David et Jordi ! Nestor se fera attaquer par 4 molosses à minuit. J’irais le défendre bien sûr…

6 juin : Virgen del Camino – San Martin del Camino : 18 km
Petite étape avec les garçons. Il fait très chaud, on s’arrête tôt. Le refuge au bord de la route il y a un petit jardin pour Nestor...

7 juin : San Martin – Hospital de Orbigo – Astorga – Murias de Rechivaldo : 27 km
Nous traversons Hospital et son fameux pont de bonne heure. Il y avait une fête médiévale hier, et quelques fêtards attardés errent dans les rues. Nestor est pris en photo par des mamies qui l’embêtent pour qu’il tourne la tête du bon coté. Et vas-y que je te pousse les fesses. Tant et si bien que je me lève et vais défendre, gentiment mais fermement mon petit âne. Non mais… En arrivant avant Astorga, un beau parc près d’une rivière nous tend les bras pour la pause. Cette pause durera presque 4 heures !!! Il est 19 heures quand nous arrivons dans le petit village de Murias de Rechivaldo ! Nous installons Nestor derrière le gîte, ou il n’y a quasiment personnes (7 avec nous). Pour la première fois, je peux le mettre en liberté. La fenêtre du gîte donne sur le jardin. Nous allons manger dans un super joli bar. C’est magnifique, un patio superbe, une maison hyper bien restauré. C’est très beau et très sympa, avec de la musique Baba Cool !!!

8 juin : Murias de Rechivaldo – Rabanal del Camino – el Acebo : 31 km
Nous partons de bonne heure, il fait nuit encore. Aujourd’hui, nous allons passer à la Cruz de Hierro. Le paysage redevient beau. Arrêt déjeuner à El Ganso, chez le Cow boy. Nous retrouvons les cavaliers. A Rabanal, Maud est repartie avec une petite chienne de 2 mois, que nous appellerons bien sur « Camina ». Les villages sont très beaux. Les bruyères sont en fleurs, et la montée vers la Cruz est pleine de couleurs. L’arrivée à la Cruz est un moment fort pour moi. C’est symbolique. Le paysage est superbe, il continue à faire chaud. Le village d’Acebo est très beau ! Nestor est près des chevaux d’Enrique et Antonio. Il a une pêche d’enfer, et s’il le pouvait, il se bâterait tout seul le matin. Si je ne suis pas levée à 5h30, il braie de toutes ses forces !!! Il fera des siennes en montant dans un jardin potager... Il faut voir par où il est passé, même les cavaliers n’y croient pas ! La patronne du bar où on mange viendra me chercher, mais ne dira rien devant son chou arraché !!! Du coup, Nestor est attaché dans un chemin pentu, et nous dormirons à coté de lui à la belle étoile, à deux pas du gîte. Camina trouve sa place dans le duvet de Maud !

9 juin : Acebo –Molinaseca- Ponferrada- Cacabelos : 32 km
Traversée de Ponferrada sans trop de problème. Etape sans histoire. Nous arrivons au refuge de Cacabelos, tout neuf, avec des petits box en bois pour deux. Malheureusement, pas de place pour Nestor. Antonio et Henrique me recommandent de faire attention à Nestor, car il y a des risques de vol. Nous partons donc camper au bord de la rivière. La nuit est calme, Nestor a de l’herbe à se faire éclater la panse !

10 juin : Cacabelos – Villafranca del Bierzo – Vega de Valcarces : 24 km
A Villafranca, j’attache Nestor sur la superbe plaza, sous les fenêtres de la mairie. On s’octroie un copieux petit déj avec Maud, jusqu’à ce que la polizia me demande de partir ! Du coup, on ne boira pas notre deuxième café… C’est la seule fois où on se fera virer !!! Le Camino longe la route, ce n’est pas marrant marrant. Nous décidons de continuer jusqu’à Vega, vu que nous nous sentons reposés et qu’il est tôt. Arrêt au gîte privé de Vega, à l’entrée du village. Les cavaliers sont là, l’accueil est ultra chaleureux. Nestor est attaché à l’ombre près de la rivière, à 50 m du gîte. Il est en sécurité.

11 juin : Vega – O Cebreiro- Alto de Poïo : 20 km
On commence à compter les jours. Non, il ne peut pas rester que 8 jours... La montée à O Cebreiro est belle, sous un soleil de plomb... Beaucoup de taxi nous dépassent, avec des pèlerins à bord... Les cavaliers arrivent en même temps que nous. Le village de O cebreiro est très bien restauré, mais très touristique. On continue. Il paraît qu’il y a une albergue à Alto de Poïo. Il n’y a en fait pas d’albergue, mais une grimpette plus que raide pour y arriver !!! On tombe directement sur le bar ! On décide de s’arrêter là quand même. Jordi me négocie le pré pour Nestor, qui sera bien installé en face de l’hôtel, dans l’enceinte de l’ancienne albergue. Nous attachons Camina à côté de lui.

12 juin : Alto de Poïo – Triacastela – Calvor : 25 km
Nous ne passerons pas par Samos. La petite route est très sympa aussi par Pintin. Le refuge à Calvor n’est pas génial pour Nestor. Il est attaché près de la route (peu passante), avec très peu d’herbe. Nous dormons au refuge, mais qu’il fait chaud là dedans. Je me relèverais souvent car Nestor bramera beaucoup, sa « mère » lui faisant des infidélités en dormant dans un lit.

13 juin : Calvor – Sarria – Ferreiros : 18 km
Les peintures sur le mur de l’église de Sarria sont vraiment très belles. A Ferreiros, Nestor est attaché dans le parc, avec des grands arbres pour lui faire de l’ombre. On s’installe dans le « salon » par terre.

14 juin : Ferreiros – Portomarrin – Eirexe : 26 km
J’ai plus de mal à accepter la fin du voyage, cela été long, intense. Et puis il y a Nestor... Quelle responsabilité quand j’y pense ! Tous ces moments où il a fallu gérer ses peurs, ses envies de pause, ses nuits, trouver de l’herbe, surveiller les blessures, être aux aguets. Ca a l’air facile quand tout se passe bien, mais il y a eu quelques situations chaudes !
Au petit gîte d’Eirexe, Nestor est attaché dans l’aire devant le gîte, très très bien ! Nous squattons le salon du gîte, comme d’habitude, avec Jordi et maud. Que se passe t-il dans le monde ? Il paraît que la France est en grève ?  Mais on vie hors du temps sur le Camino !!!

15 juin : Eirexe – Melide : 23 km
Cela fait des jours qu’on a prévu nos étapes pour nous arrêter à Melide manger les fameux pulpos ! Le refugio est un mastodonte, comme je ne les aime pas.. Plein de monde, beaucoup d’indifférence, mais on retrouve quand même pas mal de pèlerins connus, dont nos amis cavaliers. Je refuse de mettre Nestor dans les box, et je préfère l’attacher dans le peu d’herbe qu’il y a à côté du refugio. La soirée poulpe avec Bea, Annie et nous 4 sera mémorable !!! Hum hum... Le vin blanc, les chupitos du dessert, l’angoisse de l’arrivée, ont raison de Maud et moi. On se prend une vraie cuite.

16 juin : Mélide – Arzua – Santa Irene : 26 km
En me levant péniblement ce matin, je sais que je ne pourrais pas aller à Santa Irene… Je suis encore malade, trop fatiguée de la veille…Les 5 km qui vont suivre seront les plus affreux de tout le Camino !!! Beaucoup de pèlerins amis passent sans rien me dire, très délicats !!! Nous arrivons à 13h30 à Arzua, (10 km de Melide !), où nous avons décidé de dormir. C’est en ville, il y a la queue au refugio. Je dis à Maud et David que je me sens d’attaque pour faire 16 bornes de plus et aller jusqu’à Santa Irene !!! Pourtant, pendant deux mois et demi, jamais je n’ai marché beaucoup après 14 heures ! Mais il est tout simplement impossible de ne pas être avec Jordi, Bea et Annie ensemble à Santiago. Nestor est attaché soigneusement, car la route est tout près.. Je le « coince » sur le coté du gîte, c’est pas génial, mais il y a de quoi grignoter.. Nous squattons pour la dernière fois un salon du refugio. Dernière soirée du Camino, demain, l’aventure se finie. Je suis très excitée à l’idée d’arriver, très triste à l’idée d’arrêter cette extraordinaire aventure. Moi, j’ai soi disant le droit de rentrer à Santiago avec Nestor entre 14 et 16 heure.., et il faut prévenir la polizia. Je veux profiter à fond de cette dernière soirée, essayer que la nostalgie n’envahisse pas trop les regards, que la magie du Camino reste jusqu’au bout, mais que c’est dur de finir…

17 juin : là, y a un blem !!!
Je suis arrivée le 18 juin.. Il me manque une étape, et je n’arrive pas à savoir laquelle !!!

18 juin : Santa Irene – Santiago : X km, ça n’a aucune importance…
Je me lève tôt, alors que Béa, Annie, David et Maud dorment encore… Chaque geste ce matin prend une importance démesurée... Je panse Nestor soigneusement, comme chaque jour depuis 66 jours... Je le bâte pendant qu’une petite voix me dit que c’est la dernière fois... Tous ces gestes chaque jours répétés, qui ne m’ont jamais coûtés… J’ai un gros nœud dans la gorge, je revis tous ces jours passés sur la route, toutes ces rencontres magiques, j’ai hâte de me mettre en route seule, mais en même temps, je ne veux pas que cela s’arrête. Je n’arrive plus à dire un mot.. L’entrée dans Santiago est longue, par la banlieue... Je ne vois rien, j’ai le cœur qui cogne... Chaque pas me rapproche de la place de l’Obradorio, mon but. 14h20, dans Santiago, un cri « Marie et Nestor, c’est pas vrai !!! ». Jacques et sa femme, connus à Roncevaux et plus revus depuis Puente la Reina sont là ! Ils m’embrassent, hyper émus de me revoir. Je suis ailleurs, j’ai hâte d’arriver, je ne peux plus rien dire à personne, coupée du monde.. Jacques me mitraille, j’ai les yeux et le cœur ailleurs.. Je ne fais qu’un avec Nestor, mon âne, mon plus fidèle compagnon de route... Je ne suis plus qu’un trop plein d’émotion... Les deux dernières volées de marches sombres... Nestor recule... Je lui parle à l’oreille « mon bonhomme, on a passé 1700 km de difficultés, tu ne vas pas flancher maintenant... ».. Nestor s’engage bravement dans les escaliers... Je débouche sur la place, inondée de lumière.. Il est 14h30, ce 18 juin à Santiago... Je pleure. J’entends Maud me dire « marie, il y a Jordi ! ». Je ne vois rien, j’ai les deux bras autour de Nestor.. Jordi m’applaudit, puis me serre dans ses bras. Je suis heureuse, David, Maud, Jordi et moi.. On est tous les 4 là, ensemble, et c’est super !! Photos, que c’est beau cette cathédrale... Jordi s’en va, déjà… Béa arrive, en larme. Puis Annie.. Jacques pleure, Maud et moi tombons dans les bras l’une de l’autre... Tout le monde pleure, c’est fou !!! Je passe une heure sur la place... J’avais peur que la polizia me demande de vite quitter les lieux, mais non, ils ne gâcheront pas mon bonheur… Nous refaisons 5 km en sens inverse avec Maud, je mets Nestor en pension à l’écurie privée avant Monte Del Gozo. C’est un peu cher, mais il y sera super bien. J’ai du mal à me séparer de lui, je dors à Santiago… David nous récupère avec une voiture louée. Nous croisons des pèlerins qui arrivent, nous sommes déjà passés de l’autre côté du grand livre du Camino, nous sommes arrivés…

Je suis sûre que le Camino me collera à la peau toute ma vie…